Le bzh

La petite histoire du Bzh
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BZH est l'abréviation de Breizh

Avant l'unification de l'orthographe bretonne:

  • Breiz en K.L.T. (Cornouaille, Léon, Trégor) et
  • Breih (Vannetais).

Dans les années soixante, quatre jeunes Bretons de Paris, Erwan Nicol, Hervé Gilbert, Jean-Claude Le Normand et Marcel Courtial eurent l'idée de faire fabriquer un macaron pour automobiles portant le sigle "Bzh", abréviation de Breizh (Bretagne). Le succès de cette initiative est tel que le gouvernement la considère bientôt comme une provocation! Il y avait déjà ce drapeau breton à bandes noires et blanches et semis d'hermine, ancien emblème de Breiz Atao, dessiné par Morvan Marchal, nationaliste breton de la première heure et franc-maçon. Encore interdit dix ans plus tôt, il flotte maintenant dans la plupart des villes bretonnes. Il est de toutes les fêtes, de toutes les manifestations bretonnes et nul n'ose l'en exclure craignant de provoquer des remous, des incidents.. Les étrangers à la Bretagne collent aussi le macaron Bzh sur leur voiture, intéressés par cette énigme qu'ils s'appliquent à déchiffrer et séduits par son côté original, voire contestataire.

Or, le 13 janvier 1967, G. Verdeau, directeur de la revue Breiz Santel (Sainte Bretagne) est poursuivi pour avoir refusé de décoller le macaron Bzh apposé sur sa voiture. Le jugement rendu le 17 février considère que la plaque Bzh ne pouvait, en aucun cas, troubler la sécurité et l'ordre publics, que l'arrêté préfectoral était illégal et dépourvu de sanctions pénales. Le tribunal acquittait le contrevenant et condamnait le ministère public aux dépens !

Le tribunal de Vannes avait osé contester un interdit gouvernemental. Ortoli, de son bastion parisien, ministre de l'Équipement, prit aussitôt un arrêté interdisant le sigle Bzh sur les véhicules automobiles à dater du 7 août 1967... Les nationalistes font un rapprochement entre ce 7 août 1967 et le 7 août 1932, date de l'attentat de Gwen ha Du qui pulvérisa le Monument de l'Union de la Bretagne à la France! Brimade supplémentaire? Il est douteux que les pouvoirs publics ignorants de l'Histoire de Bretagne, qu'elle soit ancienne ou contemporaine, aient vu si loin! L'affaire du Bzh prend une ampleur imprévue...

Marie Kerhuel, docteur en droit, conteste la légalité de l'interdit dans un exposé qui est un concentré d'humour celtique:

Le texte publié au Journal Officiel, le 7 juillet, comporte deux articles: le premier reproduit les termes de la Convention de Genève décrivant les plaques réglementaires de nationalité. Il enjoint aux voitures immatriculées de s'y conformer (la plupart des plaques F en circulation ne sont pas réglementaires). Le second répète les arrêtés préfectoraux au sujet des macarons, sans préciser lesquels et sans indiquer l'endroit auquel il est interdit de les apposer.

Le texte de l'arrêté stipule:

Est interdite l'apposition sur les véhicules automobiles ou remorques de signes distinctifs dont la nature, la composition, les formes, les couleurs, les dimensions, les caractères, ainsi que le ou les symboles sont susceptibles de créer une confusion avec les signes distinctifs officiellement admis.

La définition internationale exige des lettres noires sur fond blanc.

Or, la plupart des plaques EU sont vertes ou bleues, souvent agrémentées d'une couronnes d'étoiles qui les distinguent immédiatement des plaques réglementaires.

Le macaron Bzh est bien en lettres noires sur fond blanc. Ce sont là les couleurs nationales bretonnes depuis avant les croisades. Un macaron en couleurs n'aurait aucun sens. Aucun arrêté ministériel n'a le pouvoir d'annuler mille ans (et plus) d'histoire et le prétendre serait d'un ridicule achevé. Nous ne supposons tout de même pas que M. Ortoli ait voulu se donner un pareil ridicule.

Mais la plaque réglementaire,outre des dimensions qui ne sont pas celles du macaron - ne doit porter que des caractères romains majuscules (et aucun dessin, écusson, etc.). Or, le macaron Bzh (et non BZH, comme l'ont écrit par erreur la plupart des journaux, comporte une majuscule et deux minuscules; il est agrémenté d'un écusson. Il apparaît donc, au premier coup d'?il, qu'il ne prétend pas être une plaque réglementaire et qu'aucune confusion n'est possible. En bonne interprétation, il n'entre pas dans la définition de l'arrêté:

"susceptibles de créer une confusion", pas plus que les plaques EU, du moins celles qui sont couramment en usage en France. La seule application possible, parmi les divers macarons actuellement connus, fierait certaines pIaques EU, noires sur fond blanc, que l'on voit de temps en temps sur des voitures allemandes. Inutile de dire qu'appliquer l'arrêté à une plaque EU sur une voiture allemande représenterait une gaffe diplomatique de première grandeur.

L'article en question est rédigé d'une façon très vague qui prête aux extensions les plus abusives: il semble interdire au propriétaire de la voiture d'y apposer un tel macaron à quelque endroit que ce soit. Il peut faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir si le ministre ne précise pas que seule est visée l'apposition d'une plaque "prêtant à confusion" (ou ne prêtant pas à confusion) à l'endroit prévu pour la plaque de nationalité - c'est-à-dire à l'arrière, sur une surface verticale, à côté de la plaque minéralogique. Car, si l'administration peut imposer au propriétaire d'une voiture d'y apposer certaines mentions réglementaires à des endroits déterminés, elle n'a aucunement le droit d'imposer un tabou sur toute la surface du véhicule et de refuser au propriétaire de l'orner comme il l'entend. Interdire l'apposition d'un macaron quelconque à n'importe quel endroit du véhicule est un abus de pouvoir manifeste.

Pour pouvoir le faire, il faudrait prétendre qu'apposer le macaron Bzh équivaut à revendiquer l'indépendance de la Bretagne et que l'ordre public en est troublé... Mais, justement, la thèse officielle est qu'une telle revendication n'existe pas! Ce serait alors reconnaître que cette revendication existe et si l'on songe à la quantité de Bzh qui ont été vendus et qui continuent à se vendre, malgré l'arrêté ministériel, avouer officiellement une telle équivalence aurait des conséquences politiques sur le plan interne, et même sur le plan international: car cette petite histoire a fait les délices de la presse anglo-saxonne! Pire que de passer l'éponge et de renoncer à soutenir des arrêtés insoutenables.

Le 24 septembre 1968, le Bzh d'un automobiliste rennais a fait à nouveau l'objet de poursuites. L'avocat de la défense s'est appliqué - comme à Vannes - à démontrer l'illégalité de l'arrêté ministériel.

L'association bretonne Sked qui édite le sigle a formé un recours contre l'arrêté abusif, soumis au Conseil d'Etat.

Dans l'ensemble, les gendarmes ferment les yeux et les agents de la circulation ne cherchent pas à sévir.

Cependant, certains sont bornés et ne perdent pas une occasion de brimer leurs compatriotes: «Nous avons des ordres pour ne pas dresser de procès-verbal pour le Bzh mais nous sanctionnerons pour un autre motif... On trouve toujours une infraction quand on veut sévir!»

Au lieu de calmer les récalcitrants, un tel esprit les rend enragés ! Et les Bzh se multiplient à l'infini!

En signe de protestation, des milliers de sonneurs de biniou l'avaient arboré aux fêtes de Cornouailles sur le bras gauche!

Depuis, le Bzh continue à être un signe de reconnaissance, un symbole identitaire.